Historique de l’ASNAV

La fin du 19e siècle et le début du 20e virent la réalisation de grands projets destinés à promouvoir le commerce international et la navigation des navires à vapeur. Canal de Suez, de Panama, mais aussi travaux d'aménagements sur les fleuves d'Europe. La 1ère Correction des Eaux du Jura, entreprise en 1868, qui corrigea la Thielle, la Broye et amena l'Aar dans le lac de Bienne fait partie de ces œuvres de grande envergure.
En 1904, la navigation sur le Rhin parvenait à nouveau jusqu'à Bâle avec un convoi de charbon. Aussi, en 1909, un syndicat suisse pour l'étude d'une voie navigable se créait à Genève, pour faire profiter la Suisse romande de ce mode de transport économique. 1910 vit la fondation de l'Association Suisse pour la Navigation du Rhône au Rhin (ASRR) pour donner une base plus large au projet du syndicat de 1909 et étudier la remise en service du canal d'Entreroches.


Le ravitaillement du pays en temps de guerre

Les projets présentés à l'Exposition Nationale de 1914 suscitèrent l'enthousiasme et reçurent le Grand Prix de l'Exposition. Mais la guerre éclatait juste après. Elle fit apparaître de façon cruelle l'isolement de notre pays. L'absence totale de navires et de péniches suisses se traduisit par des conditions d'approvisionnement catastrophiques. La population suisse survécut dans des conditions dramatiques.
Au retour de la paix, le Conseil fédéral s'empressa de faire valoir nos droits à la navigation rhénane, qui nous étaient garantis par la Convention de Mannheim, mais dont nos autorités n'avaient pas fait usage. La Suisse participa ensuite à la conférence de 1921 à Barcelone, autorisant les pays sans ports maritimes à avoir une marine marchande. Conscient de ses responsabilités, le Conseil fédéral édicta en 1923 une ordonnance protégeant le tracé d'un futur canal transhelvétique entre Bâle et Genève.
La navigation rhénane sous pavillon suisse se développa rapidement, surtout dès 1932 avec la mise en service de l'écluse de Kembs. Des associations cantonales pour la liaison du Rhône au Rhin virent le jour dans tous les cantons romands, ainsi qu'à Berne, Soleure, Argovie et à Zurich. Les incertitudes liées à un aménagement français sur le Haut Rhône, arrêtent une réalisation que la crise économique aurait pourtant pleinement justifiée.
Lors du 2e conflit mondial, la navigation rhénane, puis une flotte maritime suisse, créée hâtivement en avril 1941, assurent une part essentielle du ravitaillement du pays, allant jusqu'à 300 grammes de pain par jour et par habitant. La même année, le Mouvement de la Jeunesse vaudoise creuse un tronçon symbolique du canal, malgré une vive opposition des CFF.


Grands aménagements européens

En 1948, le barrage de Génissiat supprime l'obstacle des Pertes du Rhône, rendant le Rhône navigable jusqu'en Suisse. La Conférence Européenne des Transports planifie dès 1950, un réseau de voies navigables d'intérêt européen. Elle lance un programme de réalisation prioritaire de 12 axes au "grand gabarit", c'est-à-dire permettant le passage de péniches de 1.250 tonnes. La liaison du Rhône au Rhin, No. 7, y figure avec deux variantes, 7A par la Suisse et 7B par la France. La majorité des travaux projetés sera terminée vers 1990, une pièce majeure étant la liaison Rhin-Main-Danube. L'aménagement du Rhône s'achève en 1980.
De nombreuses autres voies d'eau d'intérêt national, comme la Seine, la Meuse, Dunkerque-Valenciennes, la Moselle de Koblenz à Nancy, Amsterdam-Rhin, le canal latéral à l'Elbe et tant d'autres sont aménagées ou modernisées. Elles acheminent économiquement et sans nuisances les tonnages commerciaux d'une Europe qui se crée.


Et en Suisse, que fait-on ?

En 1950, l'ASRR entreprend, avec l'appui de la Confédération, une étude économique et une étude technique détaillée. En 1954, les plans d'exécution sont mis au point. Une société du canal, Transhelvetica S.A. est fondée à Berne en 1963. Son capital d'environ 2 millions est souscrit en majorité par des collectivités publiques, cantons et communes.
La 2e Correction des Eaux du Jura, de 1962 à 1973, permettra à la fois une meilleure gestion des eaux et l'aménagement de 120 km. de voies navigables entre Soleure, Yverdon et Morat. Ce réseau pourtant modeste est utilisé pour une navigation touristique très appréciée, autant que par le trafic de matériaux de construction, sables et graviers. Leur volume est comparable à celui des ports de Bâle.
Une seule barque à sable avec 2 hommes et son moteur de deux cents chevaux évite le passage de 35 camions à 4 essieux sur les routes du pied du Jura. Les travaux de Rail 2000 et de la RN 5 utilisent largement les avantages de la navigation intérieure.


Une navigation fluviale revalorisée par le conteneur

Tous les pays européens, conscients que l'avenir appartient au transport combiné, travaillent à la modernisation de leurs réseaux, ferroviaires, routiers et fluviaux. La Confédération, lancée dans la réalisation tardive d'autoroutes coûteuses, doit encore assurer un subventionnement toujours plus lourd des CFF et supporter ses déficits.
Aussi, à partir de 1975, malgré les efforts de l'ASRR et des associations cantonales, il ne se passe que peu de choses en faveur de la navigation: reconstruction de quelques ponts trop bas, construction d'une écluse double à Birsfelden, reconstruction de l'écluse d'Augst au gabarit européen en 1992 et de la petite écluse de Kembs en 1999.
En 1993, à la suite de l'interprétation erronée d'une décision des Chambres et sous la pression du lobby ferroviaire, la Confédération lève la majeure partie de la protection du tracé en dépit de l'opposition formelle des intéressés, des cantons et des parlementaires romands.
Les études du transport fluvial moderne et de son contexte européen mettent en évidence que le tracé transhelvétique doit désormais être considéré comme un complément du réseau européen, et non plus comme une alternative de grand transit à un tracé français
Dans ce cadre, l'
ASRR décide en octobre 2000, de modifier sa raison sociale et de devenir Association Suisse pour la Navigation Intérieure ASNAV.
Cela ne change rien au fait qu'une liaison entre Rhône et Rhin, passant par le Mittelland suisse, reste, et sera toujours plus, un indispensable élément de la santé des économies régionales, entre Rhône-Alpes, la vallée d'Aoste et jusqu'au Land de Bade-Wurtemberg.
La navigation intérieure est le mode de transport d'avenir. Elle est économique, mais surtout, c'est un mode d'acheminement fiable, qui respecte l'environnement, consomme peu d'énergie avec des taux de nuisances et d'accidents bien inférieurs à tous les autres moyens de transport.

(jdb/12/09/01)