Le grand rêve du projet suisse
de canal du Rhône au Rhin
Association
Développement 21
Patrimoine
au fil de l’eau — moulins Rod — Orbe
A l'occasion de son centième anniversaire,
l'Association
vaudoise pour la navigation intérieure
(AVNI), a sollicité
notre association, via son projet Patrimoine au fil de
l’eau d’Orbe, afin d’organiser l'exposition prévue pour cet
événement. Bien que le canal du Rhône au Rhin a déjà fait
l'objet d'une de nos études en 2004, l'opportunité de ce
centenaire a fait germer l'idée d'accentuer nos recherches,
notamment sur le canal d'Entreroches, et ainsi de créer
plusieurs nouveaux fascicules sur ce sujet.
La brochure "Le grand rêve suisse de canal du Rhône au
Rhin", est centré principalement sur les 100 ans de l'AVNI
et de son exposition dans nos locaux. D’autre part, après
un bref historique sur les voies navigables en Suisse et
dans le Monde de l'Antiquité à l'époque moderne, Notre
brochure insère une étude réalisée par l'ingénieur
hydraulique Patrick Karpinski en 2003-2004 sur une autre
étude menée de 1952 à 1953 sous la direction de
l'Association suisse pour la navigation du Rhône au Rhin,
dont est issue l'AVNI, pour établir un plan d'aménagement
des eaux, entre le lac Léman et le Rhin. Cette dernière fut
retransmise en trois tomes : un rapport technique général,
un recueil de planches technique et un rapport économique
général. Karpinski a résumé cette étude en y apportant ses
propres réflexions et considérations sur le projet ainsi
proposé au milieu du XXe siècle. Il termine sa propre
étude sur une considération de l'avenir du canal du Rhône
au Rhin à l'aube du XXIe siècle.
La troisième partie de la brochure est consacrée aux
différents entretiens entrepris chez des personnages ayant
tous eu un lien avec les projets de cette voie fluviale.
Voici ci-dessous quelques courts extraits de ces entrevues
:
Capitaine
au long cours, membre du comité de l’Association suisse
pour la navigation du Rhône au Rhin (ASRR) depuis 1966,
puis président de 1991 à 2003 de l’Association suisse pour
la navigation intérieure (ASNAV), aujourd’hui son président
d’honneur, tel est le profil de Jean-Didier Bauer.
L’entretien a eu lieu le 30 avril 2008, à Chênes-Bougeries.
Pouvez-vous nous rappeler l’origine du projet de canal
transhelvétique ?
L’ASRR
a été fondée en 1910 à Genève. Son premier travail fut
d'élaborer un plan d’aménagement fluvial. Il prévoyait de
relier la Mer du Nord à la Méditerranée grâce à une liaison
du Rhône au Rhin à travers la Suisse. Le projet fut
présenté à l'Exposition nationale de Berne en 1914. Le
stand du « Rhône au Rhin » suscita un enthousiasme général.
On y voyait un intérêt de prestige politique autant qu'un
avantage économique. Aujourd'hui, la question n’est plus
tout à fait la même, le problème de l’environnement
prédomine, lié à un intérêt économique évident. Pourtant,
l’aspect politique n’est pas négligeable, car cette liaison
du Rhône au Rhin permettrait à la Suisse de participer à la
construction économique européenne, sans mettre en cause le
choix politique actuel. La Suisse participe déjà à la
liaison européenne en construisant, à ses frais, des
tunnels alpins qui coûtent au moins dix fois plus cher et
ne lui rapportent rien…
Le capitaine au long cours Jean-Didier Bauer, vieux loup de
mer et coriace marinier des fleuves, répète, sans la
moindre note de nostalgie « Ah ! Ce canal transhelvétique !
Dommage qu’il faille perdre autant de temps et d’argent
avant de se rendre compte de sa nécessité ! Moi, je ne le
verrai pas. »
Afin
d’examiner le projet sous l’angle technique,
environnemental et économique, et voir les possibilités
existantes, et sur quelles bases relancer l’idée, nous
avons rencontré l’ingénieur Pierre Roelli le 17 févier 2010
à Corcelles-sur-Cormondrèche.
Comment vous êtes-vous intéressé à la navigation fluviale ?
Si je
n’ai guère le pied marin, je m’intéresse surtout au nouveau
traitement qu’on doit réserver à la mobilité des
marchandises. Le réseau routier suisse est en voie de
saturation. Cette saturation est principalement provoquée
par la disparité du trafic voitures/poids lourds. Sachez
que 24 milliards de tonnes-kilomètres de marchandises sont
transportées actuellement en Suisse. Les statistiques de
2007 de l’ARE prévoient entre 31 et 42 milliards de to-km
pour 2030. Les graphiques démontrent que 80% des
marchandises prennent la route sur l’axe est - ouest de la
Suisse. Sur cet axe, la part du rail est mineure.
Aujourd’hui le Conseil fédéral envisage un transfert modal
: la route aux voitures, les marchandises légères sur le
rail et les marchandises lourdes sur le fleuve. Comme 70%
des industries suisses se trouvent-là à moins de 15
kilomètres d’un futur canal Bâle-Soleure-Yverdon- Lausanne,
ceci ouvre une nouvelle perspective.
Comment
vous êtes-vous impliqué dans le projet de Canal du Rhône au
Rhin ?
Depuis
une dizaine d’années, je suis membre de l’Association
neuchâteloise de navigation intérieure, l’ANNI, qui milite
pour la construction d’un canal du Rhône au Rhin. J’y suis
entré, dirais-je, un peu par hasard, pour remplacer un ami
ingénieur, représentant une industrie qui soutient cette
association. J’ai pris sa relève, arguant qu’un pays sans
projet est un pays qui n’avance pas et par conséquent qui
recule. Je pense que pour un développement durable, un
terme à la mode, on est sur la bonne voie avec le fluvial.
Comment
voyez-vous l’avenir immédiat ?
Je
suis de l’avis que le Canal du Rhône au Rhin devrait plutôt
s’appeler du Rhin au Rhône car les premiers pas se feront
sur le Rhin, de Bâle à l’embouchure de l’Aar. Le postulat
de la conseillère aux États bâloise Anita Fetz demande au
Conseil fédéral que l’on aille dans ce sens ; ce dernier a
d’ailleurs répondu en manifestant son intérêt. Des bases
économiques et financières devraient être encore ajoutées
pour que les Chambres se saisissent de l’idée.
Transhelvetica et les Écoles polytechniques pourraient
réactualiser le projet. Pour rendre le Rhin navigable entre
l’Aar et Bâle des écluses devront être construites, ce qui
permettra une augmentation de la production électrique
indigène à l’aide de barrages hydroélectriques, soit
nouveaux, soit en agrandissant les existants.
A
l’occasion de la préparation du centenaire nous avons
rencontré le reporter et romancier Michel Bory le 24
février 2010 à Grandson. Il se passionne pour la navigation
et depuis quelques années défend avec ardeur l’idée de
naviguer à travers la Suisse. Après l’abandon de la
protection vaudoise du tracé, il a accepté de devenir
membre du comité de l’AVNI. Cet entretien permet de mieux
comprendre la motivation et l’enthousiasme qui animent les
défenseurs du canal.
Comment et quand vous êtes-vous intéressé au Canal du Rhône
au Rhin ?
Quand
mon père, né à Yvonand au bord du lac de Neuchâtel, fin
connaisseur du terrain suisse, m’a emmené un jour voir les
vestiges du Canal d’Entreroches, j’en ai été surpris et
enthousiasmé. Savoir que des bateaux venant de Suisse
allemande pénétraient au cœur de la Suisse romande, jusqu’à
Cossonay, m’a beaucoup plu, en regrettant qu’ils ne
puissent descendre jusqu’au Léman. Même si le thème me
plaisait, longtemps je n’ai pu suivre le projet de canal du
Rhône au Rhin, ceci pour la bonne raison que j’étais à
l’étranger. J’ai notamment longtemps vécu sur une vedette
de 10 mètres en Hollande, envoyant des pièces
radiophoniques en Suisse, collaborant avec la BBC ou avec
une station de radio hollandaise, le tout en français. J’ai
attrapé le virus de la navigation intérieure en Hollande.
Pour moi naviguer c’est aller quelque part, j’ai donc
sillonné une bonne partie de ses nombreux canaux et mers
intérieures.
Selon
vous quel intérêt ce projet suscite-il encore ?
Il est
vrai que les choses semblent bloquées. Je suis cependant
d’avis que si le vote au Grand Conseil vaudois avait lieu
aujourd’hui, après la crise économique, et des nouvelles
craintes écologiques, l’issue en serait peut-être
différente. Nous sentons de l’intérêt du côté des Verts,
aussi au niveau national, et ça c’est nouveau. Je préconise
d’aller par étapes. Nous devons attendre des circonstances
favorisant notre cause, telles que les inondations répétées
sur le Plateau suisse, cela changerait complètement la
donne et obligerait à trouver de nouvelles solutions.
Quelles nouvelles solutions si ce n’est de diriger ces eaux
vers le Léman ?
Pour compléter ces entretiens nous avons pu rencontrer, le
15 mars 2010, au Mont-sur-Lausanne, Carole Schelker,
directrice d’Impact Concept depuis quatre ans et Pierre
Blanc, fondateur de l’entreprise, aujourd’hui à la
retraite.
En 2006, le Grand Conseil vaudois a supprimé la protection
cantonale de tracé sur le territoire vaudois. Est-ce
important selon vous ?
Ce
n’est pas aux cantons mais à la Confédération qu’il revient
de prendre une position forte pour ce qui concerne le
transport fluvial, et ceci afin que des études économiques
et environnementales puissent apporter des réponses
concrètes quant aux opportunités d’une liaison navigable
qui aille au-delà de Bâle. Les études des années cinquante
sont obsolètes. La balle est dans le camp de Berne.
Le moment pour relancer le transport fluvial est bien
choisi aujourd’hui. A cet égard, l’exposition que vous
présentez est une bonne chose, en termes de communication
au public. J’aimerais dire que ce type de transport
fonctionne déjà bien en Suisse romande, sable et gravier
sur les lacs et transport d’ordures sur le Rhône à Genève
jusqu’à l’usine des Cheneviers, entre autres. L’étude que
notre étudiant avait conduite entre Monthey et Villeneuve
montrait qu’à des frais limités, on pourrait décharger les
routes des régions du bas Valais et d’Aigle en transportant
des marchandises sur le Rhône. Il reste aujourd’hui à
prendre conscience des formidables possibilités qu’offre le
transport sur l’eau.
Comme nous l'avons signalé, cette brochure s'articule
autour de l'exposition du centième anniversaire de l'AVNI,
il est donc juste d'y inclure cet événement sur des pages
spéciales. On a donc inséré des photographies de la journée
officielle du 12 juin 2010, du Bulletin d'information de
l'ASRR, des grands titres de la presse, ainsi qu'une courte
chronologie de 1910 à aujourd'hui et des copies de
documents qui égrenèrent ce siècle grâce, notamment, aux
archives inédites des sections romandes de l'AVNI.
En plus, nous trouvons dans les annexes d'autres
photographies des projets du canal, d'abord celles de plans
et en particulier la traversée de Genève ou l'arrivée dans
le Léman. Suivent celles qui concernent les corrections des
eaux du Jura entre 1960 et 1972, puis le canal français du
Rhône au Rhin et pour terminer les ports du Rhin dans les
années 1920.
La brochure présente en introduction une brève histoire des
canaux de navigation depuis l’Antiquité en s’appuyant sur
des exemples locaux et internationaux. On peut lire ensuite
un historique de l’évolution du projet de canal du Rhône au
Rhin dans le contexte de la navigation fluviale en Suisse.
Les aspects techniques et économiques du projet sont
ensuite abordés de manière précise, mais néanmoins claire,
grâce à l’intervention de membres de l’AVNI qui nous
informent en outre sur les débats et l’utilité actuels du
projet. La revue de presse, ainsi qu’une conclusion riche
d’annexes en tout genres complètent ce
travail.
Plaquettes à dispositions à l’expo de Orbe
www.eau21.ch